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« Joson et La Poux »

Après 4 ans et 11 mois de captivité Après 4 ans et 11 mois de captivité Le Retour de Joson Le Retour de Joson Jeudi 3 mai 1945 Jeudi 3 mai 1945 Sur les traces de Joson  + 70 ans après Sur les traces de Joson  + 70 ans après Le contexte en 1939 Le contexte en 1939 Le parcours de Joson Le parcours de Joson La captivité de Joson La captivité de Joson La déclaration de guerre La déclaration de guerre Pendant ce temps dans les Vosges Pendant ce temps dans les Vosges La seconde  Guerre Mondiale Après 4 ans et 11 mois de captivité Après 4 ans et 11 mois de captivité Le Retour de Joson Le Retour de Joson Jeudi 3 mai 1945 Jeudi 3 mai 1945 Sur les traces de Joson  + 70 ans après Sur les traces de Joson  + 70 ans après Le contexte en 1939 Le contexte en 1939 Le parcours de Joson Le parcours de Joson La captivité de Joson La captivité de Joson La déclaration de guerre La déclaration de guerre Pendant ce temps dans les Vosges Pendant ce temps dans les Vosges Page précédente Page précédente
L’attente interminable Le temps est fait d’un passé heureux qu’on essaie d’oublier parce qu’il fait mal en comparaison ; d’un présent misérable qu’on ne demande qu’à voir finir ; et sans avenir, car on ne sait jamais quand celui-ci commencera enfin. « Je suis prisonnier. Je suis privé de liberté. L’Allemagne est un pays comme la France avec des gens bons et honnêtes et d’autres sont des crapules et des meurtriers » déplorait Joson. Le ciel de Tüzen À Tüzen, depuis quelques temps, Joson et ses camarades voient passer des forteresses volantes, et on leur interdisait de faire des signes. Plus on avançait plus on en voyait et l'année 1944 fut prolifique. Beaucoup d'avions, des forteresses volantes ! Mais pas de bombardement dans ces zones de montagnes qui n'abritaient rien de stratégique. On attendait les armées alliées. La rumeur enfle au Stalag IIE C e n'est plus une rumeur, des prospectus en huit langues étaient largués sur les villages. Ils provenaient des armées alliées et disaient entre autre « Vos employeurs sont responsables de votre bien être jusqu'à notre arrivée ». Les alliés approchent. Certains hommes qui ont eu des responsabilités dans l'administration partent, laissant les fermes aux mains des femmes. Et puis les Américains accompagnés d'Italiens qui remontent d'Italie sont à Klagenfurt, dit-on. La libération de la France isole à nouveau Joson et les P.G. de leur pays et de leurs familles. Pendant des mois, colis et lettres ne sont plus acheminés de la France vers l’Allemagne. Une fin terrible C ela allait mal, en effet, pour les Allemands ; mais cela allait mal aussi pour nombre de P.G. La fin sera terrible. Bien des signes précurseurs le laissent prévoir. Beaucoup ne reverront pas la France. « Et c’est pour nous le front qui recommence ! » dit Joson. Les bombardements commencent. Il y a eu dix baraques de brûlées et vingt copains morts. Joson n’a rien eu encore et il a pu sauver sa peau. Il serait temps que çà finisse ; nuit et jour la terre tremble. Joson n’est pas encore sorti de l’enfer. Le nombre des P.G. victimes de bombardements est très importants et on imagine le drame qu’il représente, dans cette terre d’exil et aux approches de la libération, non seulement pour eux, mais pour leurs camarades.Hitler se suicide le 30 avril 1945. Trois jours plus tard, le jeudi 3 mai 1945, les Russes arrivent et les P.G. les accueillent à bras ouverts, comme les villageois Français ont accueillis quelques mois plus tôt les Américains. Les Russes étaient beaux, sales et fiers. Ils nous ont dit : « Ne bougez pas, les gars, des camions vont venir vous chercher avec du ravitaillement, demain… ». Si les quelques nuits précédentes avaient été calmes, par contre celle-ci a été troublée par des roulements de camions, de blindés, des claquements de mitraillettes, les mille bruits d’une armée en marche. Aucun doute, les Russes sont là ! Ils sont arrivés ! Ils ne sont pas encore dans notre camp mais cela ne saurait tarder. Dès la petite aurore, Joson voit des gars fabriquer des drapeaux français rudimentaires, qu’ils accrochent aux façades du camp. L’attente est interminable. De temps à autre, une rafale de mitraillette, au loin… On entend le vent qui souffle. Les prisonniers attendent pâles… Le sort en est jeté… Tout à coup, tel un coup de tonnerre, des hurlements sauvages éclatent, ponctués de salves de mitraillettes… C’est l’assaut ! À travers les planches disjointes, Joson voit en un éclair une vingtaine de Russes se ruer dans le camp en hurlant. Ils sont vêtus de vestes ouatées gris-vert, chaussés de bottes de feutre gris. Un P.G. qui se trouve près de la porte, l’ouvre et sort, mains en l’air. Joson et ses camarades sortent tous. Tout cela s’est passé en quelques minutes. Trois ou quatre Popoff se précipitent sur eux mitraillettes braquées. Ce sont des Mongols, et ils sont ivres. Ils puent l’alcool à trois mètres. Un P.G. voit son képi rouge changer de tête, sa montre bracelet lui est arrachée ! Joson voit avec stupeur, quand ils lèvent les bras, que ceux-ci sont couverts au-delà des coudes, sous la veste, de toutes les montres qu’ils ont pu « trouver ». Le Ruskoff fouille Joson fébrilement son petit livre, son canif, puis ils lui font comprendre qu’ils veulent « Capote » ! Tout cela avec le canon sur le ventre et le doigt sur la gâchette. Joson avoue qu’il n’en mène pas large. Sans capote, par ce froid, c’est la mort inéluctable ! Comment faire comprendre à cet ivrogne une vérité dont il se fout éperdument ? Parmi nous, personne à ma connaissance ne parle russe, et tout ce que nous pouvons bredouiller, c’est : « Fransouzki, camarade ! »… Attention, ce n’est pas le moment de prononcer le moindre mot d’allemand ! Autour de moi, les Russes font la razzia, fouillent toutes les poches, prennent les ceinturons et tout ce qui brille : chaînettes, bagues de cuivre que certains avaient confectionnées au camp, porte-mines, insignes, etc. et le Mongole tire toujours sur la capote de Joson ! Il la veut ! Seul, un miracle peut le sauver. Joson fixe intensément son doigt sur la gâchette, et il ne puit qu’attendre qu’il appui !.... Ah, les amis, cet instant dure une éternité !... Il ne pense même pas à Valérie et à Josette… Non, uniquement à ce doigt sale, à ce canon noir sur le nombril, à cette puanteur d’alcool… Et le miracle se réalise, sous la forme d’un simple mot. C’est un P.G. qui le prononce. Il est là, à gauche de Joson, légèrement en retrait lui aussi un canon au creux de l’estomac. Il a vu et compris toute la scène. Il dit simplement « Djimmo ! Djimmo ? ». C’est tout, mais c’est assez. « Le » Russe le regarde, lâche Joson… et passe à un autre.
Les P.G. restent là, hébétés, bras en l’air, tandis que d’autres Russes arrivent en courant, et les fouillent à leur tour. Mais leurs copains ont tout raflé, et ils ne trouvent plus rien qui les intéressent… Ni montres, ni bagues, ni couteaux, ni ceintures… et les P.G. risquent maintenant de se faire flinguer par dépit ! Et toujours cette odeur d’alcool, vers les P.G. qui avaient perdu cela depuis tant d’années… Des hurlements éclatent ! Ils ont trouvé les femmes ! Ils se précipitent et les entrainent sauvagement à coup de crosse, de pieds, de poings, ils les couchent à terre et les violent dans la neige, toutes cotes retroussées… Joson a fermé les yeux. Joson et ses camarades rentrent dans la baraque, défaits, muets, impuissants . « Je sais, c’est la guerre. Je ne veux être témoin ! Ne pas juger ! Je me cramponne à cette idée. Qui sait, en effet, ce que les Allemands ont fait aux femmes russes, aux polonaises, aux tchécoslovaques ? Ne pas juger ! C’est dur ! Étouffer toute révolte inutile ! Ne pas entendre les hurlements, fermer ses oreilles aux coups de feu qui terminent ces horreurs… Oublier volontairement ces femmes que l’on massacre, la tête contre les murs… Ne pas juger, c’est tout ce que nous pouvons faire. Ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre, comme ces trois singes chinois, symboles de la sagesse. C’est affreux. Oublierai-je jamais ? » médite Joson. Après les Popoffs tirent en l’air en signe de victoire. Voilà comment Joseph Renard, mon Grand-Père, a été libéré du stalag. L' Allemagne capitule sans conditions (7-8 mai 1945).
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La seconde  Guerre Mondiale Page précédente Page précédente Après 4 ans et 11 mois de captivité Après 4 ans et 11 mois de captivité Le Retour de Joson Le Retour de Joson Jeudi 3 mai 1945 Jeudi 3 mai 1945 Sur les traces de Joson  + 70 ans après Sur les traces de Joson  + 70 ans après Le contexte en 1939 Le contexte en 1939 Le parcours de Joson Le parcours de Joson La captivité de Joson La captivité de Joson La déclaration de guerre La déclaration de guerre Pendant ce temps dans les Vosges Pendant ce temps dans les Vosges
3 mai 1945
L’attente interminable Le temps est fait d’un passé heureux qu’on essaie d’oublier parce qu’il fait mal en comparaison ; d’un présent misérable qu’on ne demande qu’à voir finir ; et sans avenir, car on ne sait jamais quand celui-ci commencera enfin. « Je suis prisonnier. Je suis privé de liberté. L’Allemagne est un pays comme la France avec des gens bons et honnêtes et d’autres sont des crapules et des meurtriers » déplorait Joson.
Le ciel de Tüzen À Tüzen, depuis quelques temps, Joson et ses camarades voient passer des forteresses volantes, et on leur interdisait de faire des signes. Plus on avançait plus on en voyait et l'année 1944 fut prolifique. Beaucoup d'avions, des forteresses volantes ! Mais pas de bombardement dans ces zones de montagnes qui n'abritaient rien de stratégique. On attendait les armées alliées. La rumeur enfle au Stalag IIE Ce n'est plus une rumeur, des prospectus en huit langues étaient largués sur les villages. Ils provenaient des armées alliées et disaient entre autre « Vos employeurs sont responsables de votre bien être jusqu'à notre arrivée ». Les alliés approchent. Certains hommes qui ont eu des responsabilités dans l'administration partent, laissant les fermes aux mains des femmes. Et puis les Américains accompagnés d'Italiens qui remontent d'Italie sont à Klagenfurt, dit-on. La libération de la France isole à nouveau Joson et les P.G. de leur pays et de leurs familles. Pendant des mois, colis et lettres ne sont plus acheminés de la France vers l’Allemagne. Une fin terrible Cela allait mal, en effet, pour les Allemands ; mais cela allait mal aussi pour nombre de P.G. La fin sera terrible. Bien des signes précurseurs le laissent prévoir. Beaucoup ne reverront pas la France. « Et c’est pour nous le front qui recommence ! » dit Joson. Les bombardements commencent. Il y a eu dix baraques de brûlées et vingt copains morts. Joson n’a rien eu encore et il a pu sauver sa peau. Il serait temps que çà finisse ; nuit et jour la terre tremble. Joson n’est pas encore sorti de l’enfer. Le nombre des P.G. victimes de bombardements est très importants et on imagine le drame qu’il représente, dans cette terre d’exil et aux approches de la libération, non seulement pour eux, mais pour leurs camarades.Hitler se suicide le 30 avril 1945. Trois jours plus tard, le jeudi 3 mai 1945, les Russes arrivent et les P.G. les accueillent à bras ouverts, comme les villageois Français ont accueillis quelques mois plus tôt les Américains. Les Russes étaient beaux, sales et fiers. Ils nous ont dit : « Ne bougez pas, les gars, des camions vont venir vous chercher avec du ravitaillement, demain… ». Si les quelques nuits précédentes avaient été calmes, par contre celle-ci a été troublée par des roulements de camions, de blindés, des claquements de mitraillettes, les mille bruits d’une armée en marche. Aucun doute, les Russes sont ! Ils sont arrivés ! Ils ne sont pas encore dans notre camp mais cela ne saurait tarder. Dès la petite aurore, Joson voit des gars fabriquer des drapeaux français rudimentaires, qu’ils accrochent aux façades du camp. L’attente est interminable. De temps à autre, une rafale de mitraillette, au loin… On entend le vent qui souffle. Les prisonniers attendent pâles… Le sort en est jeté… Tout à coup, tel un coup de tonnerre, des hurlements sauvages éclatent, ponctués de salves de mitraillettes… C’est l’assaut ! À travers les planches disjointes, Joson voit en un éclair une vingtaine de Russes se ruer dans le camp en hurlant. Ils sont vêtus de vestes ouatées gris-vert, chaussés de bottes de feutre gris. Un P.G. qui se trouve près de la porte, l’ouvre et sort, mains en l’air. Joson et ses camarades sortent tous. Tout cela s’est passé en quelques minutes. Trois ou quatre Popoff se précipitent sur eux mitraillettes braquées. Ce sont des Mongols, et ils sont ivres. Ils puent l’alcool à trois mètres. Un P.G. voit son képi rouge changer de tête, sa montre bracelet lui est arrachée ! Joson voit avec stupeur, quand ils lèvent les bras, que ceux-ci sont couverts au-delà des coudes, sous la veste, de toutes les montres qu’ils ont pu « trouver ». Le Ruskoff fouille Joson fébrilement son petit livre, son canif, puis ils lui font comprendre qu’ils veulent « Capote » ! Tout cela avec le canon sur le ventre et le doigt sur la gâchette. Joson avoue qu’il n’en mène pas large. Sans capote, par ce froid, c’est la mort inéluctable ! Comment faire comprendre à cet ivrogne une vérité dont il se fout éperdument ? Parmi nous, personne à ma connaissance ne parle russe, et tout ce que nous pouvons bredouiller, c’est : « Fransouzki, camarade ! »… Attention, ce n’est pas le moment de prononcer le moindre mot d’allemand ! Autour de moi, les Russes font la razzia, fouillent toutes les poches, prennent les ceinturons et tout ce qui brille : chaînettes, bagues de cuivre que certains avaient confectionnées au camp, porte-mines, insignes, etc. et le Mongole tire toujours sur la capote de Joson ! Il la veut ! Seul, un miracle peut le sauver. Joson fixe intensément son doigt sur la gâchette, et il ne puit qu’attendre qu’il appui !.... Ah, les amis, cet instant dure une éternité !... Il ne pense même pas à Valérie et à Josette… Non, uniquement à ce doigt sale, à ce canon noir sur le nombril, à cette puanteur d’alcool… Et le miracle se réalise, sous la forme d’un simple mot. C’est un P.G. qui le prononce. Il est là, à gauche de Joson, légèrement en retrait lui aussi un canon au creux de l’estomac. Il a vu et compris toute la scène. Il dit simplement « Djimmo ! Djimmo ? ». C’est tout, mais c’est assez. « Le » Russe le regarde, lâche Joson… et passe à un autre. Les P.G. restent là, hébétés, bras en l’air, tandis que d’autres Russes arrivent en courant, et les fouillent à leur tour. Mais leurs copains ont tout raflé, et ils ne trouvent plus rien qui les intéressent… Ni montres, ni bagues, ni couteaux, ni ceintures… et les P.G. risquent maintenant de se faire flinguer par dépit ! Et toujours cette odeur d’alcool, vers les P.G. qui avaient perdu cela depuis tant d’années… Des hurlements éclatent ! Ils ont trouvé les femmes ! Ils se précipitent et les entrainent sauvagement à coup de crosse, de pieds, de poings, ils les couchent à terre et les violent dans la neige, toutes cotes retroussées… Joson a fermé les yeux. Joson et ses camarades rentrent dans la baraque, défaits, muets, impuissants . « Je sais, c’est la guerre. Je ne veux être témoin ! Ne pas juger ! Je me cramponne à cette idée. Qui sait, en effet, ce que les Allemands ont fait aux femmes russes, aux polonaises, aux tchécoslovaques ? Ne pas juger ! C’est dur ! Étouffer toute révolte inutile ! Ne pas entendre les hurlements, fermer ses oreilles aux coups de feu qui terminent ces horreurs… Oublier volontairement ces femmes que l’on massacre, la tête contre les murs… Ne pas juger, c’est tout ce que nous pouvons faire. Ne rien voir, ne rien dire, ne rien entendre, comme ces trois singes chinois, symboles de la sagesse. C’est affreux. Oublierai-je jamais ? » médite Joson. Après les Popoffs tirent en l’air en signe de victoire. Voilà comment Joseph Renard, mon Grand-Père, a été libéré du stalag. L' Allemagne capitule sans conditions (7-8 mai 1945).
Stalag IIE MAI 1945